Les épreuves du tournoi

Je passais beaucoup moins de temps avec les Démons d’Ébony. Les entrainements pour le tournoi de magie occupaient tout mon temps. Nous avions même obtenu une dispense de cours pour nous entrainer. L’archimage était intraitable, il nous poussait à nos limites, nous devions nous surpasser.
Nous avions rapidement trouvé en quoi consistaient les épreuves. Pour commencer, nous devions traduire un texte écrit en rune. Seulement il y avait des pièges, certaines runes étaient chargées de mana, d’autres non, d’autres étaient piégées. Pour nous entrainer, l’archimage avait préparé plusieurs textes sur différents supports. Nous devions les lire et les comprendre rapidement. Je dois avouer que je me débrouillais très bien à cette épreuve. Je voyais les pièges avant tout le monde et j’arrivais à les détourner.
La deuxième manche consistait à dessiner un pentacle, le thème restait inconnu jusqu’au jour de l’épreuve et les participants ne pouvaient pas voir les autres. Lors de la précédente édition, le pentacle consistait à recréer un catalyseur de mana. Les vainqueurs avaient réalisé un pentacle amplifiant Mana aussi bien qu’Oronos pleine un jour du mois de Mana. L’archimage nous demandait de dessiner des pentacles complexes pour renforcer Mana, invoquer un esprit élémentaire ou non, pour nous sensibiliser à Mana et retrouver un objet mythique. Bref c’était un exercice où nous devions créer un pentacle en commun, introduire des runes et utiliser la même quantité de mana. Pour le moment, nous n’avions rien produit, nous n’étions pas synchronisés.
Enfin, la troisième manche était facultative. Tout dépendait du nombre d’équipes encore en lice. C’était un combat purement magique. Chaque équipe se voyait attribuer un drapeau à défendre. Seul les cinq meilleurs étaient qualifiés pour les épreuves individuelles. Pour nous, l’archimage représentait notre adversaire. Le premier jour il avait mis moins d’une minute pour nous dérober notre drapeau. Le deuxième jour nous avions résisté deux minutes. Mojerhate utilisait toutes ses connaissances. Il ne surveillait pas son drapeau mais nous n’arrivions à nous en approcher.

À la fin de chaque journée, notre mana était épuisé. Même une bonne nuit de sommeil ne parvenait pas à recharger notre énergie entièrement.
La journée venait de se terminer, j’étais allongé sur l’herbe, haletant. Je ne sentais plus mana. Lors de la deuxième épreuve, nous avions réussi à créer un pentacle en commun, le tout premier. Mais l’énergie dégagée nous fit perdre le contrôle et le contrecoup nous assomma. Pourtant, lors de la troisième manche, nous avions failli gagner. Hestop avait réussi à détourner l’attention de l’archimage, Jobert avait bondi vers son drapeau. Il s’était heurté à une barrière magique. Aucun de nous n’avait pensé à en créer une. Je le fis immédiatement autour de notre drapeau. Le combat était maintenant un peu plus équilibré mais nous perdîmes quand même.
- Je suis fier de vous, dit l’archimage. Vous avez fait des progrès magnifiques.
Je m’assis en respirant bruyamment. Mes camarades étaient dans le même état. Néanmoins, nous avions le sourire au lèvres. En continuant comme ça, nous pourrions être prêts le jour des épreuves. Elles auraient lieu du cinquante au cinquante-deux Séleste.
- J’ai un aveu à vous faire, continua l’archimage. Pour participer au tournoi, il faut une équipe de cinq.
- Nous sommes cinq avec vous, dit Jobert.
- Je ne participe pas, s’excusa Mojerhate. Mais j’ai quelqu’un à vous présenter.
Un démon approcha. Il était dans les cours des petits.
- Avant que l’un de vous ne proteste je veux que vous ressentiez Mana.
Nous obéîmes. Le nouveau attirait tout le mana à lui. Il ressemblait à un trou duquel le mana ne pouvait s’échapper. C’était impressionnant. Mais cette énergie n’était pas maitrisée, elle était instable et chaotique. Ce démon faisait penser à une bombe vivante.
- Qui est-ce ? demanda Eustache d’une voix où ce mêlaient crainte et respect.
- Il s’appelle Azor et il fera dorénavant partie de l’équipe pour participer au tournoi.
Azor était petit, même pour un démon de six ans. Chétif était l’adjectif qui lui convenait le mieux. Il possédait deux ébauches de cornes sur le front et, chose rare, elles étaient bleues. Elle semblaient parcourues de mana mais ce n’était pas étonnant. Azor irradiait de mana.
- Azor a six ans et il ne contrôle pas encore parfaitement son mana. Je compte sur vous pour l’aider. Il sera un élément essentiel de l’équipe.

Le lendemain, lors de notre entrainement, le mana d’Azor nous surprit, nous servit et nous desservit. Pour créer le pentacle, nous devions utiliser la même quantité de mana. L’épreuve du jour constituait à soumettre un esprit. Plus il était puissant et mieux c’était. Pendant que nous dessinions le pentacle, Azor le créa et réussit à appeler Effer, le roi des efrits. L’archimage le congédia aussitôt. Il fixait le jeune démon d’un regard nouveau.
- Ne refais jamais ça, ordonna-t-il.
Azor était terrifié par l’archimage. Il tremblait de tous ses membres.
- Sais-tu qui tu as appelé ? demanda Mojerhate d’un ton dur.
Azor secoua la tête.
- Si tu fais la même chose le jour du tournoi, il ne fait aucun doute que tu gagneras. Tu as appelé Effer, le roi des efrits et le meilleur ami de Lumen. Cet esprit est assimilable à un dieu.
- C’est génial ! s’exclama Eustache.
- Non ça ne l’est pas, corrigea l’archimage. Dans ce type de pentacle, Effer aurait été soumis, une chose que Lumen n’aurait jamais accepté.
Je compris que nous avions échappé au courroux d’un dieu. Cet Azor était décidément imprévisible. L’archimage nous fit passer à la dernière épreuve, le drapeau. Cette fois-ci, je commençai par protéger le nôtre. Azor me regarda et fit la même chose. La barrière magique s’amplifia et le drapeau fut totalement isolé du reste du monde. Quand l’archimage s’en aperçut, il renforça les protections autour du sien.
Le duel dura plus d’une heure et ce fut Mojerhate qui gagna. Il partit sans rien dire, son mana était presque à sec, comme nous. Sauf Azor. Le démon pouvait encore accomplir des sorts. Eustache le conduisit dans sa chambre, son regard nous incita à le suivre.

Soudain, ma bague se mit à briller, comme pour m’avertir d’un danger. Aujourd’hui encore, je déchiffre mal son langage. Mais si je l’avais comprise ce jour-là, rien ne serait arrivé.