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Asgaroth, ma vie, mon œuvre

11 janvier 2013

Le pentacle du Fou

Je me croyais en sécurité. Je m’allongeais sur le lit, abaissant ma vigilance quand j’entendis un sifflement. Tous mes sens en alerte, je me relevai brusquement. Un serpent avançait dans ma chambre. Il était tout noir, un cobra de l’ombre, un serpent de mana au poison mortel. Il ouvrit la bouche et siffla.
- Tu hallucines, tu es toujours dans le pentacle. Ouvres les yeux ! Vite !
Le serpent s’enfuit sous le lit. Je lui obéis.

J’étais toujours dans le pentacle, j’avais activé une rune hallucinogène. Cependant, je vis un vrai cobra noir rôder autour de mes jambes. Je ne fis aucun geste brusque, sauf quand le pentacle me l’ordonnait. J’avais trop de choses à surveiller, pendant un moment je crus que je n’allais pas m’en sortir. Puis tout disparut. Le serpent, le pentacle, la pièce. J’étais plongé dans le noir. Je restai immobile. Comme rien ne se passait, je décidai d’essayer de bouger. D’abord doucement, tous mes sens en alerte. Rien ne se passa. Je pouvais bouger librement. J’avançai droit devant jusqu’à me cogner dans un mur. Je poussai une exclamation en me frottant le nez. Je suivis le mur. Il tournait à angle droit, je continuai, puis un autre virage à angle droit. Dans ma tête, je dessinais un plan. J’étais dans un couloir en forme de U. Soudain, un autre angle droit, s’il y avait une sortie j’en étais tout proche. Enfin, je tournai à nouveau à un angle droit. J’avançai jusqu’à trouvé le cinquième, qui était en fait le premier. J’étais dans une salle carré !

Je commençai à paniquer, il n’y avait aucune sortie. Je refis un tour complet rapidement, la salle était petite, il me fallait six pas pour rejoindre une autre extrémité. J’utilisai mon mana pour fracasser un mur, le sort rebondit contre ce dernier et ricocha dans toute la salle. J’eus juste le temps de me coucher et attendre que mon sort se dissipe. Je m’approchais du mur, il n’avait rien de particulier. En l’étudiant mieux, je distinguai de fins filaments de mana. Ils étaient dans la structure même du mur. Le sol était identique ainsi que le plafond. J’étais toujours prisonnier du pentacle.
Je refis le tour de la salle, la solution de l’énigme devait se trouver sur la porte. Je devais la trouver. J’examinai minutieusement chaque parcelle des murs. Du haut en bas. J’avais écrit une rune pour me servir de point de départ.

Quand je revins à mon point de départ j’étais inquiet. Je n’avais trouvé aucune trace de porte. Comment était-ce possible ?
Je refis un tour pour être sûr de n’avoir rien louper. Toujours pas de porte. En désespoir de cause, j’inspectai le sol. Des runes y étaient dessinées en une longue phrase que je m’empressai de déchiffrer. Je revis une rune d’hypnose que j’avais déjà activé. Je compris tout. J’avais été hypnotisé le temps nécessaire pour lire la phrase et inverser la gravité de la salle. En réalité, je marchai sur les murs. Et j’avais brièvement aperçu ce texte sous les multi-couche du pentacle d’Ezraol. Donc, si j’avais une bonne représentation spatiale, l’entrée de la salle était au plafond. Comment remettre le tout dans le bon sens ?
J’étudiai le sol à la recherche d’un indice. Évidemment je ne vis rien. Ezraol était un expert dans son domaine et tel que je le connaissais, la solution était au plafond. Je levai la tête. Puis une idée illumina mes pensées. Je créai un portail de déplacement mais je n’y rentrai pas entièrement. Seulement ma tête, qui se retrouvait maintenant à quelques centimètres du plafond.
Je n’eus pas longtemps à chercher la solution de l’énigme de la gravité. C’était d’une évidence. Il suffisait de poser une main sur la rune près de la clenche de la porte. Étant incapable d’ouvrir plusieurs portails simultanément, je me déplaçai et entrai tout mon torse dans un nouveau portail bien positionné. J’allais rompre le sort quand quelque chose m’interpella. C’était beaucoup trop simple ! Je m’approchai au plus près de la rune. Elle était liée à une autre. Une rune de réaction en chaine. Je pris le temps de bien tout étudier. J’y passai ce qui me sembla un temps fou. Mon ventre gargouillait depuis longtemps et par moments mes yeux se fermaient tous seuls.

Une fois arrivé au bout, j’avais tout compris. La rune servant à rompre le sort de gravité était aussi la rune initiale du pentacle. La désactiver romprait tout le sort. Maintenant, il ne fallait pas se précipiter et réfléchir. Je connaissais le pentacle dans ses moindres détails, je venais d’étudier chaque rune, chaque lien.
La solution m’apparut. Je devais démonter le pentacle dans l’ordre dans lequel il fut monté. Une tâche fastidieuse dont je n’étais pas sûr de voir la fin. Je serai mort de soif avant. Mais cela se tentait. J’allais commencer quand il me vint une autre idée. J’avais en tête le pentacle dans sa globalité, et je connaissais une méthode très efficace pour briser n’importe quel sort de mana. Je m’approchais d’un nœud et y dessinais l’antirune de déliement.
Cela fonctionna parfaitement. Je tombais à plat dos sur le sol, le vrai sol de la pièce. Je sortis de la salle. Le Fou m’attendait derrière la porte.
- Tu es le premier à sortir de cette façon, me dit-il.
Il n’avait pas l’air content.
- Je ne sais pas ou tu as appris cela, continua-t-il, mais évite de l’utiliser partout. Tu joues avec des puissances qui te dépassent Asgaroth.
Il partit. J’attendis un moment avant d’emprunter le même chemin. Il n’y avait plus personne. Je rejoignis ma chambre pour tomber directement sur le lit. Je dormis pendant presque deux jours d’affilée.

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8 janvier 2013

Le sorcier Asgaroth

Dès mon retour à l’orphelinat, je me mis immédiatement en valeur. J’étais devenu un sorcier avec l’appui de la déesse. Rien en pouvait plus m’arrêter. J’étais le plus puissant de l’école. Du moins c’est ce que je croyais. Quand je repense à ces moments-là, j’ai honte. J’étais d’une arrogance sans limite.

Deux jours après mon retour de la Tour des Maléfices, j’avais cours de magie. Lecture de rune et création de pentacle par niveau. C’était Doxian qui nous enseignait. Nous étions maintenant du même niveau. Je lui fis comprendre qu’il était maintenant mon égal et qu’il devait me traiter comme tel. Il m’ignora.
- Quand vous aurez déchiffré ce texte, dit Doxian, vous pourrez créer le pentacle à trois niveaux qui y est associé.
Il avait fait apparaitre des runes sur le tableau. C’était trop facile, j’avais terminé le premier. Je levais la main.
- Oui Asgaroth ? fit Doxian.
- J’ai fini, dis-je.
- Je le vois. Que veux-tu ?
- Apprendre de la vraie magie.
Tous les regards se tournèrent vers moi.
- De la vraie magie ? répéta Doxian. Peux-tu me dire ce qu’est la vraie magie ?
- C’est une magie utile, elle permet de créer des boules de feu, manipuler les éléments, créer des maléfices et encore plein d’autres choses.
- Créer une boule de feu ? C’est à la portée du premier magicien. Manipuler les éléments ? Les dieux s’en chargent très bien. Pour les maléfices, tu apprendras ça plus tard.
- Vous en êtes incapable, soufflai-je.
Doxian s’immobilisa. Il n’y avait plus un bruit dans la salle. Personne n’osait bouger, attendant la réaction du sorcier. Soudain, il lâcha son bâton, un pentacle apparut sous ses pieds puis il parla. Une incantation. Jamais je n’en avais entendu d’aussi longue. Le plafond s’assombrit et un tourbillon se forma. De son centre pendait un immense crochet. Doxian lui fit signe de descendre. Le crochet s’enfonça dans le sol sans le casser, en fait, il passa au travers du pentacle. Puis un cri horrible retentit. La corde retenant le crochet se tendit et remonta. Une longue plainte déchirante accompagnait la remontée. Une tête émergea du sol. Elle était énorme. La créature était borgne, n’avait que deux trous en guise de nez et des crocs pointus. Deux excroissances se dressaient au-dessus de ses épaules. Elle poussa un cri déchirant, rempli de douleur. Je compatissais. Comment pouvait-elle souffrir autant ?
Le reste du corps émergea à son tour. La créature était enveloppée et enchainée dans ses propres ailes, elle avait les bras croisés sur la poitrine, elle souffrait. Le crochet se dégagea et disparut. Doxian se tourna alors vers moi puis me désigna. L’œil de la bête se posa sur moi, il y eut une brève lueur puis je fus traversé par une souffrance inimaginable. Je crus que j’allais mourir ou tomber dans le coma mais non. Le monstre me gardait conscient pour que je ressente toute sa douleur. Et encore, je savais que ce n’était qu’un infime partie de sa souffrance. Je compatissais et luttais. Puis tout se termina.
- Quand tu sauras invoquer cette créature tu pourras te considérer comme mon égal, dit Doxian. Maintenant au travail !
Je me rassis au bureau. Je n’avais pas vu le pentacle qu’il avait utilisé. Je fis l’exercice. Il s’avéra plus complexe que prévu.

Je m’étais calmé. J’étais un sorcier certes mais toujours très loin du niveau des professeurs. Il me faudrait travailler encore beaucoup plus.
Quelques décades plus tard, j’avais cours de pentacle avec Ezraol. J’arrivais dans une petite salle au sous-sol, il n’y avait personne. Il faisait sombre. J’entrai puis la porte se claqua derrière moi. Une inscription apparut.

« Bienvenu jeune sorcier !
Voici mon pentacle le plus sophistiqué. Il faudra s’en défaire pour sortir de cette pièce.
Bon courage !
Signé Le Fou, le plus grand Adorateur de Cleffe ! »

Le texte disparut, la pièce fut brièvement plongée dans l’obscurité. Puis un trait lumineux apparut sur le sol, il s’agrandit, bifurqua, se divisa en plusieurs morceaux. Des runes se formaient dans les boucles formées par le rayon, j’assistais à la matérialisation d’un pentacle. Et le pire est que j’en comprenais tout le sens. Je voyais le danger, les runes d’emprisonnements, les runes mortels. Pourtant, impossible de détacher mes yeux et de bouger. Il était encore temps de partir. Je savais maintenant comment Le Fou piégeait ses victimes.
Le pentacle se termina, j’étais maintenant immobilisé, même ma respiration était contrôlée. Interdiction de respirer trop vite ou trop lentement, impossible de retenir son souffle. J’vais un temps défini pour bouger aussi, je devais saisir chaque opportunité et ne pas les rater. Son pentacle était exceptionnel.
Au début je suivis les règles. Je réussis à mieux percevoir l’ensemble et à comprendre le mécanisme de certains pièges. Puis un son assourdissant retentit accompagné d’une odeur fort nauséabonde. J’entendis la voix d’Ezraol.
« Dans la réalité tu serais mort empoissonné ! Recommence ! »
Je revins à la case départ. Le professeur avait désactivé les pièges mortels. J’observais mieux le pentacle, quelque chose avait changé, j’en étais sûr. Cette fois-ci je fus extrêmement prudent. J’évoluais pas à pas, sans geste brusque. Tout était contrôlé. J’obéissais au pentacle. C’est là que je commis ma deuxième erreur. Ma main s’immobilisa au dessus d’une rune de gravité. Un flash m’ébloui et j’entendis comme une hache fendre l’air.
« Tu viens d’être décapité, annonça la voix d’Ezraol. Sois plus concentré. Tu es mort deux fois. »
Je revins à la case départ. Là, le pentacle était radicalement différent. Le Fou l’avait réalisé en plusieurs versions, toutes aussi vicieuses les unes que les autres. C’était un génie.

Je ne sais pas combien de temps s’était écoulé, une heure ? Deux ? Plus ? En revanche, j’activais un autre piège. Une Fraeille. C’est comme une abeille des marécages, sauf que son venin est un neurotoxique très puissant. Elle fonça vers moi, c’est alors que je vis une rune briller faiblement. Je l’activais et la fraeille se désintégra. Était-ce un piège mortel ? J’avais un doute mais quelque chose me disait que Le Fou avait déjà procédé de cette manière. Nous faire croire que nous étions mort pour activer au final un vrai piège.
Je réussis finalement à entièrement me sortir de ce piège vicieux. J’avais toujours un doute quant à l’innocuité du pentacle. Je relâchai ma vigilance quand j’entendis un clic. Je me retournai pour voir une centaines de flèches foncer droit sur moi. Elles étaient toutes entourées de bleu. Une illusion. Non ! Une des flèches étaient réelles. Je réussis à l’esquiver. Le mur derrière moi se corroda au point d’impact. Puis une nouvelle phrase commença à se dessiner. Je n’attendis pas et sortit de la pièce puis j’ouvris un portail pour aller directement dans ma chambre.

23 décembre 2012

La Tour des Maléfices

Quelque chose d’énorme approchait, à chaque pas, la bête faisait trembler le sol. Puis les torches s’éteignirent, nous plongeant dans le noir total. Azor eut le réflexe de les rallumer, en vain. Il était trop nerveux pour y arriver. Eustache le serra contre lui pour le calmer. Je fis jaillir Penbama et je conjurai la lumière. Le sol devint soudain éclatant. Il fut accueilli par un cri rauque suivit d’un bond. La bête se tenait dans l’ombre, se cachant le visage d’un de ses tentacules.
- Assez ! siffla-t-elle.
Et l’obscurité revint. Mon bâton disparut.
- Pour la première épreuve, dit la bête, vous allez devoir vous libérer de ces liens.
Un pentacle apparut sous mes pieds. Il était composé de plusieurs niveaux avec des ramifications très complexes. Le même était dessiné sous chacun de mes amis.

Aussi complexe soit le pentacle, s’en libérer ne me posa aucun problème. Après avoir réussi à échapper aux pièges mortels du Fou, celui-là me parut d’une simplicité enfantine. Je m’en sortis en moins de cinq minutes, rapidement suivi par mes amis. Seul Azor resta prisonnier plus longtemps mais l’affaire fut réglée prestement. La bête nous regardait avec des yeux interloqués.
- C’est la première fois que je vois ça, lâcha-t-il enfin. Comment avez-vous fait ?
- Le Fou est notre professeur, dis-je.
La bête hocha la tête. Cette explication était bien suffisante.
- Très bien. Alors maintenant vous devez percer le secret de cette salle. Faites attention aux hallucinations.
La lumière revint juste après son départ. Je pus alors observer la pièce plus en détails. Tous les murs, du sol au plafond, étaient fait en briques rouges. Sur chaque brique était dessiné une rune. Elles étaient toutes reliées entre elles par de fins filaments de mana. Le dôme de l’orphelinat n’était qu’une pâle copie de cette pièce. En m’approchant d’une brique, je constatai qu’il y avait en faite plusieurs runes dessinées les unes par dessus les autres, créant un pentacle multi-couche très performant.
- Que devons-nous faire ? demanda Hestop.
- Aucune idée, répondit Eustache.
- Essayons de toucher une rune, proposai-je, nous verrons bien ce qu’il se passe.
Je joignis le geste à la parole et touchais la rune la plus proche. Aussitôt, elle se délia et s’enroula autour de ma main, me retenant. Mes amis voulurent intervenir mais le pentacle s’anima et il leur fut impossible de me rejoindre. J’avais les yeux fixés sur ma main, je regardais la rune se mouvoir, elle me racontait une histoire.

Je fus transporté loin, très loin de la Tour des Maléfices, dans un monde étrange. Un autre monde. J’étais dans une forêt, les arbres formaient un cercle parfait autour de moi. En me retournant je vis un immense lac. L’eau était d’une belle couleur bleue, la couleur du mana. Des reflets jaunes la parcouraient. Je levais les yeux au ciel. Il était uniformément gris. Ni soleil, ni lune, ni nuages. Rien que du gris.
J’entrai dans la forêt. J’espérais ne pas me perdre. Tous les arbres étaient identiques, le même tronc épais, la même écorce sombre, le même nombre de branches et même le même nombre de feuilles. J’avais compté. C’était troublant. Autre chose me sauta soudain aux oreilles. Je n’entendais rien. Pas d’insectes, pas d’oiseaux, pas de vent. J’étais le seul être vivant de cette forêt. Là j’eus peur.
Je débouchais sur une clairière beaucoup plus petite. Ici, la vie semblait toujours être présente. Un lierre vert envahissait tout l’espace, ne laissant que le trône de pierre presque intact. Une femme était assise dessus.
- Sorcier Asgaroth, salua-t-elle.
- Déesse, répondis-je en m’inclinant.
Elle rit.
- Ne fais pas ça devant moi, je ne le mérite pas.
- Où suis-je ? demandais-je.
- Dans un monde hors du temps, répondit Aléera. Ce que l’on appelait avant le monde des lacs. Il va bientôt disparaitre.
- Même le trône ? ne pus-je m’empêcher.
- Je n’ai pas le choix, dit-elle.
Une larme coula sur sa joue.
- Si je peux faire quoi que se soit pour vous aider, proposai-je.
- C’est gentil, dit-elle en souriant. Mais l’heure n’est pas encore venue. J’attends qu’Il agisse.
Elle se leva, s’approcha et posa une main sur mon épaule.
- Asgaroth, prends garde à toi.
Elle me serra dans ses bras puis je fus de retour dans la Tour des Maléfices, libéré du pentacle.

- Asgaroth ! s’exclama Eustache. Que t’est-il arrivé ? Tu es resté collé pendant dix jours, tu as raté l’épreuve pour devenir sorcier.
- Non, dis-je. Je suis un sorcier. J’en ai la preuve.
Je lui montrai ma bague. Elle possédait un éclat de pierre issu du trône de pierre. Si Eustache ne comprenait pas cette allusion, j’étais certain que les archimages la comprendrait.
Silnur vint nous chercher puis nous conduisit au quatrième étage, dans la chambre verte.
- Tu peux nous laisser Silnur, dit Ysy sans se retourner.
Le nain sortit et fermant la porte. L’elfe se tourna vers nous. Elle posa son regard sur chacun d’entre nous, elle nous sondait. Cela me rendit mal à l’aise.
- Voici une belle promotion, commença Ysy. Je vais féliciter Mojerhate. Vous êtes officiellement des sorciers, et vous êtes parmi les plus jeunes à accéder à ce niveau. Mais ne relâchez pas vos efforts. La route pour comprendre toute la complexité de mana est encore longue.
Ysy nous toucha avec son mana pour nous marquer en tant que sorciers. Quand ce fut fait, elle nous autorisa à sortir. Sauf moi. Elle avait besoin de me parler.
- Asgaroth, me dit-elle. Je ne sais pas ce qui s’est passé durant ton épreuve. Tu as déjà été reconnu en tant que sorcier par la déesse en personne. C’est la première fois que je vois une intervention si flagrante d’elle. Veux-tu me raconter.
Et je lui dis tout. Le monde des lacs, le trône de pierre, ma bague et ma vision de mana. Ysy s’attarda beaucoup de temps sur ma bague.
- Elle n’a plus rien à voir avec l’original, dit-elle. Allez ! Va rejoindre tes amis.

Je sortis de la salle sans me retourner. Arrivé à l’intersection des trois couloirs, je vis Aléera dans le bleu. Elle tenait son épée, lame vers le bas. Elle mit un doigt sur ses lèvres et me fit un clin d’œil avant de disparaitre, tel un fantôme. Puis je me retournai vers le couloir jaune. Il y avait un homme avec un grand sourire. Il posa également un doigt sur ses lèvres et disparut.
J’ignore toujours ce qui se passe dans le monde de mana. Une guerre est en cours depuis très longtemps, la première bataille a déjà eu lieu et je pense que la seconde est à l’origine de notre univers. Enfin ces problèmes ne me concernent pas. D’ailleurs, je n’ai plus jamais entendu parler de la déesse après ma sortie de l’orphelinat.

11 décembre 2012

L'examen des sorciers

Pendant cinq décades, tous les jours après les cours, je retrouvai Eustache, Jobert, Hestop et Azor sous le dôme. Eux quatre s’entrainaient à repérer l’antimana. Je l’utilisais sous la surveillance de l’archimage. Je dessinais maintenant des anti-runes, leur pouvoir était terrifiant. Une seule dans d’entre elles pouvait annuler le pouvoir de toutes les runes du dôme. Je n’avais pas encore trouver laquelle mais je savais où l’écrire.
Parmi les quatre magiciens, celui qui fit le plus de progrès fut Azor. Il avait repéré le temple de la forêt. Quand il avait posé la question à Mojerhate, celui-ci avait d’abord regardé dans la direction indiquée. Il avait fermé les yeux. Puis, grâce à un sort, il avait augmenté sa perception du mana.
- Qu’est-ce... ? commença-t-il. Des fées ?
Il ne comprenait pas ce qu’il voyait. Il promis à Azor de se renseigner à condition que personne ne s’approche de la forêt des fées. L’archimage avait fait prendre toutes les précautions, un sort avertissait maintenant quand quelqu’un pénétrait dans la forêt. Une alarme retentissante. La première fois que nous l’entendîmes, nous nous précipitâmes tous dehors. Une biche se tenait à la lisière, paralysée. L’alarme se déclenchait à chaque fois qu’un animal assez gros franchissait la barrière invisible. Forte contrainte du bruit, les fées exigèrent la suppression de ce sort. Le directeur, après de nombreuses menaces, réussit à convaincre l’archimage. Maintenant, l’alarme existait toujours mais ne se déclenchait plus.

Je marchais dans le couloir en direction du réfectoire. C’était le matin, l’heure du petit-déjeuner.
- Asgaroth !
Quelqu’un m’appelait. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir Mojerhate, lavé et habillé, de si bonne heure.
- Viens ! m’ordonna-t-il.
Je voulus protester, mon ventre criait famine, mais je n’eus pas le courage. Eustache, Azor et Jobert se tenait derrière l’archimage, une main sur le ventre. Un concert de gargouillements. Hestop nous rejoignit assez vite puis nous allâmes dans le bureau du directeur.
- J’emmène ces jeunes à la Tour des Maléfices, dit-il sans préambule.
Olex Zorti le regarda sans comprendre. C’était le matin, il lui fallait le temps de se réveiller.
- Hein ? fit-il.
- Les cinq démons derrière moi ont tous le potentiel pour devenir sorciers. Je les emmène pour les préparer à l’examen.
- Combien de temps seront-ils absent ? demanda Olex.
Il était bien réveillé maintenant.
- Une décade, répondit l’archimage.
Il sorti du bureau puis il ouvrit un portail assez spécial. Je le remarquai tout de suite. Il était entouré de runes, comme si les bords formaient un pentacle. Puis une rune rouge brilla au milieu. Elle s’estompa doucement.
- Entrez là-dedans, ordonna l’archimage.
Nous obéîmes prestement. Je ne sais pas si c’était dû au ton employé ou à l’excitation de découvrir la Tour des Maléfices.

De l’autre côté du portail, il faisait froid. Un vent violent soufflait, déplaçant la neige sur le sol et amenant des flocons sur mes vêtements pas du tout adapté. Un brouillard épais masquait l’horizon, impossible de savoir où j’avais atterri. Le seul bâtiment visible était une tour rouge circulaire d’environ vingt mètres.
- La Tour des Maléfices, présenta l’archimage.
- Où sommes-nous ? demanda Hestop.
- Dans une chaine de montagne, à environ cinq mille mètres d’altitude, répondit l’archimage sans apporter de réelles précisions. Nous sommes dans une cuvette naturelle, nous supposons qu’il y a un creux dans cette direction.
Il pointait l’endroit d’où venait le vent.
- Le vent vient toujours de cette direction, finit-il.
- Vous avez bien dit « supposons » ? demandais-je.
- Exact. Personne ne sais où se trouve cette tour. Les archimages se communiquent le moyen d’y accéder. C’est pour cela qu’il est impossible de la trouver. Des aventuriers supposent qu’elle se trouve au nord, dans les Monts Glacés. D’autres penchent pour un endroit inconnu, de l’autre côté de l’océan.
- Et vous ? demanda Azor.
- Aucune idée, dit Mojerhate. Si nous entrions ?
Il n’attendit pas de réponses et poussa la porte de la tour. Il faisait chaud à l’intérieur. Une immense cheminée dans laquelle brûlait un feu ardent diffusait une réelle chaleur à tout le bâtiment.
- Mojerhate ! s’exclama un nain en se précipitant vers lui. Ravi de te revoir.
- Silnur da Restaph ! répondit notre archimage en écartant les bras.
- Tu m’appelles par mon nom complet maintenant ? fit le nain et donnant une accolade au démon.
- Ha, ha, ha, ria Mojerhate. C’est pour que mes futurs sorciers sachent à qui ils ont à faire.
Le nain se tourna vers nous.
- Appelez moi Silnur, dit-il.
Il nous examina rapidement. Silnur était plutôt grand pour un nain et il avait déjà plus de quatre siècles d’existence. Il portait une courte barbe finement taillé, une auréole de cheveux blancs, il avait le nez crochu et un immense sourire. Un nain jovial. Avec ma vision du mana, je remarquai qu’il portait des chaussures spéciales. Il avait aussi un collier de perles autour du cou, deux artéfacts magiques.
- Tu as de bons magiciens, dit Silnur en se tournant vers Mojerhate.
- Ils ont été jusqu’à la septième heure de la troisième épreuve du tournoi de magie, dit Mojerhate avec fierté.
- Très bon résultat, commenta le nain. Les présentes-tu maintenant à l’examen ?
- Je vais juste leur montrer les épreuves.
- Très bien. Dans ce cas je te laisse. Tu trouveras Ysy dans la chambre verte.
- Merci, répondit Mojerhate.
Nous le suivîmes à travers les étages de la tour. Il n’y avait pas d’escaliers, seulement des portails ouverts en permanence. Pour les emprunter, il fallait les activer avec la rune appropriée. Chaque étage était légèrement plus petit que le précédent, la tour avait une forme conique. Le rez-de-chaussée faisait office de hall d’accueil. Le premier étage servait aux résidents de la tour et aux archimages de passage. Ce fut tout ce que nous présenta Mojerhate.
Le quatrième étage était très particulier. Nous débouchâmes à une intersection, trois couloirs en partaient, un dans chaque direction. Celui qui nous faisait face était coloré de bleu, la couleur de mana. À cent vingt degrés sur la droite, la couleur jaune dominait, l’antimana. Quelque chose au bout attira mon attention. Je me concentrai, une lueur jaune, très faible, pulsait. Je voulus m’approcher mais l’archimage me retint.
- Pas encore, me dit-il.
Pas grave, j’avais compris. Ce couloir était orienté dans la direction du temple de la forêt. La lueur que je percevais venait de là-bas, j’en étais sûr.
Le dernier couloir était coloré de vert. Il y régnait un calme troublant. Une paix factice. L’archimage s’engagea dans ce couloir et entra dans la pièce du fond. Une elfe se tenait debout, le dos tourné, elle semblait plongée dans une intense réflexion. D’un geste, l’archimage nous imposa le silence.
- Tu en fais du bruit, le réprimanda-t-elle.
- Désolé, murmura Mojerhate.
- Silence ! Je ne veux plus rien entendre.
Je me figeais telle une statue. Je n’osais même plus respirer, ni tourner les yeux. Je ne pouvais voir mes amis. En revanche, je voyais parfaitement Mojerhate et l’elfe. Cette dernière avait une longue chevelure blonde, elle ressemblait à tous les elfes. Physiquement. Parce que magiquement elle était totalement différente. Je voyais tourbillonner autour d’elle les filaments de mana. Aucun ne l’approchait, elle contrôlait mana avec une dextérité exceptionnelle. Puis je vis Mojerhate essayer de faire la même chose. Avec moins de succès.
- C’est mieux, dit l’elfe.
Elle se tourna vers nous et se mit à rire.
- Mojerhate tu peux dire à tes amis qu’ils ont le droit de bouger.
Nous nous détendîmes, sauf Mojerhate qui gardait mana loin de son corps, enfin essayait.
- Ysy, dit-il, je te présente Eustache, Azor, Jobert, Asgaroth et Hestop.
- Ton équipe de magicien, dit Ysy.
- Exactement. Je les ai amené ici pour les préparer à l’examen des sorciers.
- Très bien, répondit Ysy. Bon courage, ajouta-t-elle pour nous.
Puis, d’un geste de la main, elle nous congédia.

De retour dans le couloir, Mojerhate s’éloigna à grands pas et se détendit uniquement arrivé près du portail.
- Qui était-ce ? demanda Azor.
- Ysy, répondit Mojerhate. Une des rares personnes à avoir été nommée archimage avant d’avoir vingt ans.
- C’est possible ? questionna Jobert.
- Bien sur, dit l’archimage.
- Combien y en a-t-il ? demanda Hestop.
- De vivant ? fit Mojerhate. Ysy est la seule. Dans l’histoire, ils doivent être une dizaine. Le plus connu est Kashaad.
L’archimage ouvrit le portail, coupant les questions. Il avait besoin de se ressaisir. Il nous emmena au sous-sol. C’était un endroit sombre et plus frais que le reste de la tour.
- Voici en quoi consiste l’examen, commença Mojerhate. Il faut juste survivre.
Avant d’avoir plus d’explication, il disparut. Soudain, un son terrifiant se propagea. Nous nous regroupâmes, nous n’étions pas seul.

4 décembre 2012

L'antimana

Cela faisait deux décades que Zû était parti. Maintenant âgé de vingt-et-un an, il était libre d’aller où il voulait. Il nous avait promis de passer de temps en temps au repaire sous l’annexe. Il essaierait aussi de retrouver Rükhaas, nous n’avions plus de nouvelles.
J’entame ma dernière année de cours moyen. J’avais hâte d’en terminer avec les cours généraux et enfin pouvoir me spécialiser. La cuisine me tentait bien. Je passais beaucoup de temps au côté de Rem Jrano. Il m’enseignait ses secrets. Avec la nourriture, il était possible de soigner et même de renforcer le corps. Les dosages pour les démons étaient particuliers, ils correspondaient à des doses mortelles pour toutes les autres espèces. J’en avais conclu qu’empoisonner mon espèce était très difficile. Rem me prouva le contraire. La vanille. Il me mit une gousse sous le nez, je fus pris d’une crise d’éternuement, mes yeux me piquèrent et je commis l’erreur de les frotter après avoir touché la gousse. Je fus malade pendant deux jours. Comment les humains supportaient-ils cette orchidée alors qu’ils ne mangent pas les pépins de pomme ?

Je me dirigeais actuellement vers le dôme. L’archimage m’avait convoqué. En chemin, je rencontrai Hestop.
- Toi aussi ? lui demandai-je.
- Oui. Je me demande pourquoi.
Nous continuâmes en silence. Eustache et Azor était déjà là. Jobert arriva juste après nous en courant.
- Ne panique pas, lui dis-je. Mojerhate sera en retard comme d’habitude.
- D’à peine deux minutes, dit ce dernier derrière moi.
Je me retournai et m’éloignai en reculant sans rien pouvoir dire.
- Ferme la bouche Asgaroth ! Tu vas attirer les mouches.
Les quatre magiciens rirent. J’obéis et m’assis sur une chaise sans rien dire.
- Bon, commença l’archimage. Si je vous ai réuni c’est pour vous parler des modalités d’examen pour devenir sorcier. Vous avez tous le potentiel nécessaire.
- Même moi ? demanda Azor.
Il avait tout juste dix ans. Il ne maitrisait pas encore parfaitement son mana mais il avait fait de formidables progrès.
- Surtout toi, répondit Mojerhate. Avec un peu d’entrainement, tu pourrais même devenir archimage avant la fin de ta scolarité.
Le jeune démon était bouche bée. Il ne se sentait pas aussi bon. Je le regardais avec envie et un peu de jalousie.
- Avant de vous parler sur l’examen des sorciers, je dois aborder un sujet capital. Asgaroth le connait déjà.
Cette fois-ci, c’est vers moi que se tournèrent tous les regards. Eustache surtout. Il n’approuvait pas cette cachoterie de ma part.
- Vous voyez tous le mana, continua l’archimage, ses filaments bleutées, ses nœuds. Vous pouvez également agir dessus. Mana est omniprésent. Faites apparaitre une boule de mana dans votre main.
Nous nous exécutâmes. Un exercice très facile. Même Azor y arriva.
- Très bien. Maintenant, maintenez là. Asgaroth, à toi de jouer.
Je compris ce qu’il attendait de moi. Dans mon autre main, avec plus de difficultés, je fis apparaitre une sphère jaune, beaucoup plus petite que la bleue.
- Qu’est-ce que c’est ? demanda Hestop.
- De l’antimana, répondit l’archimage. Asgaroth, assemble les deux sphères.
J’obéis. Cela se révéla plus difficile que prévu. Quand je rapprochais mes mains, une force invisible s’employait à résister. J’y mis plus de conviction. Les deux sphères s’éloignèrent au creux de mes mains, se déformèrent pour épouser leur forme. L’air sous le dôme se mit à tourner, un vent violent se leva. Je fermai les yeux sous l’effort mais je voyais toujours les deux sphères aplaties. Elles étaient très proche l’une de l’autre. Soudain, le mana se brisa. La sphère bleue se déchira et entra en contact avec la sphère jaune. L’explosion me projeta contre le mur. Les autres s’étaient baissés.
- Voilà ce que produit l’antimana quand il rencontre mana, dit l’archimage en se relevant et époussetant ses vêtements.
J’avais soulevé beaucoup de poussière, il n’en restait pas un seul grain sur le sol. Ils flottaient tous.
- Pouvons-nous en faire ? demanda Eustache.
- Utiliser l’antimana est interdit, répondis-je. Il ne faut pas s’en servir.
- Tu viens pourtant de le faire, répliqua-t-il.
- Asgaroth a raison, dit Mojerhate. L’antimana ne doit jamais être utilisé. Cependant, en tant que futur sorcier, vous devez être capable de le voir et de le sentir aussi bien que mana.
À ces paroles, je repensai au temple de la forêt. Sa lueur jaune était toujours visible à condition de savoir ou chercher. Même moi j’avais du mal à le localiser.
- L’antimana est plus dur à utiliser, continuait Mojerhate. Il est tout le contraire de ce que vous avez appris. Personnellement, je suis incapable de créer une boule comme l’a fait Asgaroth. J’ai vu la façon dont il a procédé, c’est tout.

Nous passâmes l’heure suivante à nous exercer à différencier mana de l’antimana. Enfin pas pour moi. J’étais concentré sur le temple de la forêt. Il y avait quelque chose là-bas qui m’attirait. Pourtant, je sentais que je ne devais pas m’en approcher. Et ceci n’avait rien à voir avec le dreiff.

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29 novembre 2012

Le Mâal

Rükhaas communiquait régulièrement avec nous. Il avait entrepris un loin voyage dans le royaume Fy pour trouver le troisième morceau de la Flute de Cleffe. Il n’était pas encore arrivé à Vilgon. Sur une carte de la ville, j’avais précisément localisé le morceau, à deux mètres près. Il restait le problème de le prendre. Rükhaas devait avoir son idée.

Aujourd’hui, le cours de magie fut centré sur les attributs particuliers des personnes résistantes à mana. Ces personnes étaient appelées des Mâals.
- Toutes les races sont concernées, dit Mojerhate, même les animaux sont plus ou moins résistants à mana. Il n’existe aucun moyen de différencier un Mâal d’un être normal. Sauf en utilisant la magie, le sort sera moins efficace.
- Comment devient-on un Mâal ? demanda Eustache.
- Tu n’en seras jamais un, répondit l’archimage. Tu peux cependant t’entrainer à devenir résistant à mana. C’est un exercice long et éprouvant dont les résultats ne sont pas garantis.
Le cours continua, l’archimage parlait beaucoup. Il n’aimait pas les Mâals. Ceux ci l’obligeaient à déployer plus de mana pour un résultat amoindri. La résistance à mana était une chose intéressante mais cela empêchait d’utiliser la magie. Soigner un Mâal demandait plus d’efforts, l’aider magiquement aussi. Les objets magiques étaient moins efficaces. Les sorciers et les archimages étaient, à l’inverse, très sensible à mana. Ils pouvaient en sentir la moindre perturbation.
Certaines espèces ne comportaient aucun Mâal, comme les fées. Les elfes en comptaient un tout les mille ans environ, les nains un peu plus. Les humains étaient l’espèce qui en dénombraient le plus.
- Un Mâal peut se détecter à la naissance, dit l’archimage. Ensuite, son degré de résistance peut évoluer. Il peut devenir moins résistant à mana. Très peu le font. Devenir moins résistant est encore plus difficile que l’inverse. Le Mâal doit ressentir mana, l’apprivoiser. Comme vous pour devenir magicien. La difficulté réside dans le degré de résistance. Pour votre information, dans cette classe, la plus résistante à mana est Obsédianne.
La démone fut totalement surprise. J’avais déjà constaté à qu’elle point elle était insensible à mana. Elle arrivait à peine à le sentir et elle devait déployer de nombreux efforts pour ne serait-ce qu’allumer une bougie.
- C’est une vraie Mâal, assez résistante. Mais n’essayez pas de faire des sorts sur elle. Vous y arriverez mais vous lui feriez mal.
Obsédianne regarda tout le monde, s’attendant à recevoir une attaque magique. Je vis que certains avaient déjà commencé à rassembler leur mana. Je sus qu’ils étaient tous assez forts pour la blesser.
- Si tu veux t’entrainer pour développer ta résistance je t’invite à lire Les Mémoires d’un Mâal. Tu y apprendras plein de choses.
Obsédianne nota le titre du livre. Elle semblait très intéressée.
- Enfin, reprit Mojerhate, il existe ce que l’on appelle le Mâal parfait. Un être totalement insensible à mana. Même les objets magiques sont inefficaces sur lui.
- Que se passe-t-il s’il entre en contact avec un objet magique ? demanda Hestop.
- Tout dépend de l’objet. Prenons un livre magique. Le Mâal parfait pourra le prendre dans ses mains, l’ouvrir et peut-être lire quelques passages. En revanche, il ne verra pas les runes.
- Et un objet maudit ? demandai-je.
- Ils sont tous inefficaces, répondit l’archimage. Un Mâal parfait peut marcher au milieu d’un pentacle mortel, se faire traverser par tous les sorts qui existent sans rien subir. Évidemment, le soigner est plus long, il faut laisser faire la nature. Ces personnes sont de vrais problèmes pour les démons. Il est impossible d’ensorceler ou de maudire un Mâal parfait.
Le cours se termina sur des questions réponses à l’archimage.

Le soir, dans ma chambre, pendant que je relisais mon cours, une lumière se fit dans mon esprit. Rükhaas avait subi un sort d’amplification générale pour devenir plus fort. Dans le même temps, il avait développé une bonne résistance à mana sous sa forme de monstre. Ce n’était pas normal. Rükhaas aurait au contraire dû se sensibiliser à mana.
J’attrapai le Journal du Jour. Je me rappelais bien le sort d’amplification. Je pris une grande feuille de papier que j’étalais sur le sol. Je refis toute la disposition du sort comme dans mon souvenir. Je comparai ensuite avec le Journal. J’avais raison. Il y avait bien quelques différences. Je les entourai puis je cherchai à quoi elles pouvaient correspondre.
Je trouvai, après trois heures de recherches. Les runes supplémentaires servaient à repousser mana. Tatouées sur le corps, elles faisaient en effet penser à un Mâal. Il fallait déployer plus d’efforts pour obtenir le même résultat. Sauf que ces runes pouvaient être contrées. Et cela assez facilement. Je notai la méthode, il suffisait d’ajouter une rune simple sur un pentacle ou dans un sort. J’appris cette rune par cœur, je devais maintenant l’ajouter partout.
Je ne comprenais pas ce que cherchait à faire Rükhaas avec sa fausse résistance à mana. C’était très facilement évitable. Cependant, il y avait toujours deux différences que je n’arrivai pas à expliquer. Rükhaas voulait devenir de plus en plus résistant à mana. Mais devenir un Mâal en s’aidant de mana est impossible. Soudain tout fut clair. Les deux différences étaient faite d’antimana. Les anti-runes rendaient Rükhaas très résistant à mana, il était capable de le repousser sauf que dans le même temps, il devenait très sensible à l’antimana.
Le savait-il ?

26 novembre 2012

La lettre de Rükhaas

Trois jours après, les Démons d’Ébony s’étaient rassemblés dans l’annexe, à l’endroit habituel. L’ordre du jour était la survie de la guilde. Fallait-il continuer l’aventure ? Nous étions tous indécis.
- Qu’avons-nous comme mission en cours ? demanda Obsédianne.
- À part l’instrument divin nous n’avons rien, répondis-je.
- Rassembler tous les morceaux de cette flute n’est pas une bonne idée, dit Fa’.
- Puis si nous abandonnons, continua Zû, il faudra cacher les deux morceaux que nous avons déjà.
- Il faudra également se débarrasser du Fléau, ajoutais-je.
- Et du Journal du Jour, conclut Obsédianne.
- Je m’occupe de ce livre, dis-je.
- Asgaroth ! s’exclama la démone. Tu ne peux pas garder un tel livre.
Je vis bien que tous pensaient comme elle. Mais je ne pouvais pas me résoudre à lâcher le Journal. J’avais encore tant de choses à découvrir. Soudain, une lettre arriva dans la BM.
- Voilà qui nous aidera à prendre une décision, dit Zû en se levant.
Il prit la lettre et la lut à haute voix.
« Bien le bonjour, amis démons.
J’ai pris connaissances des soucis internes qui agitent actuellement votre guilde. J’en suis fort désolé et je compatis. Je comprendrais que vous souhaitiez abandonner et je ne m’y opposerai pas. Cependant, nous avons un contrat. Je sais que vous possédez deux morceaux, je sais également que vous connaissez l’emplacement des quatre autres. Avant de rompre le clan, je veux mon instrument ! »

La lettre se terminait ainsi. L’auteur nous menaçait. Il pouvait nous dénoncer, avec deux morceaux de la Flute de Cleffe en notre possession nous étions indéfendables. De son côté, il était possible de remonter sa trace mais il avait sûrement pris toutes ses précautions.
- Je sais pas qui est notre commanditaire mais il est très bien renseigné, dit Fa’.
C’était ce détail qui me faisait le plus peur. À croire qu’il faisait parti de la guilde. Il était au courant dès que nous trouvions un morceau de cette maudite flute, il savait, comme nous, où se trouvaient les autres morceaux et il était au courant pour Rükhaas.
Avant que nous puissions débattre sur lui, une seconde lettre arriva. Zû, qui se tenait toujours à côté de la BM, l’ouvrit.

« Chers amis,

Je suis désolé pour ce qui est arrivé. J’ai cédé à la tentation de devenir plus fort. Cela a marché mais j’ai toujours besoin de plus. Seulement, je n’ai plus personne pour accomplir le rituel et je ne possède pas les connaissances nécessaires pour le faire seul.
Je suis le premier sorti de l’orphelinat, je vais survivre en accomplissant des missions, j’ai installé une seconde BM pour me tenir au courant de la guilde. J’accomplirai les missions en extérieur en attendant Zû.
Les Démons d’Ébony vont continuer à exister. Nous avons un but et une mission à accomplir. Je compte sur vous. »

- Voilà qui répond à notre question, dit Zû. Les Démons d’Ébony existent toujours.
C’était une bonne nouvelle. De plus, avec Rükhaas à l’extérieur, la guilde pourrait s’agrandir et gagner plus d’argent. Zû suivrait bientôt. L’avenir des Démons d’Ébony était assuré.

20 novembre 2012

Griss et Rükhaas

Après avoir dérobé la Harpe des Vents, notre réputation s’accrut mais pas dans le bon sens. Nous étions catalogués comme des pilleurs de trésor. Maintenant, nous recevions des demandes d’exhumations pour voler les biens enterrés. Nous en avions accepté quelques-unes.
Deux années sont passées, j’ai maintenant douze ans. Encore une année de cours moyen. J’avais hâte d’entrer chez les grands pour apprendre les vrais métiers des démons.

Le 28 Pluton 1778 connu un évènement sans précédent dans la vie de l’Orphelinat des Damnés. Tous les élèves et enseignants étaient rassemblés dans le hall, devant un grand trou comme si un animal énorme avait défoncé le mur. Des lézardes atteignaient le plafond, rendant la structure plus fragile. Rükhaas se tenait au milieu des débris, avec Griss. Le jeune démon était visiblement épuisé, il venait de reprendre son apparence normale. Je le sus grâce à ma vision du mana. Il y avait aussi une chose étrange sur Griss. Fa’ vola près de moi.
- Ce que nous craignions s’est produit, dit-elle.

Tout avait commencé il y a plusieurs décades. Après une énième bêtise, Rükhaas fut puni. Cette fois-ci, nous nous organisâmes pour résoudre le mystère entourant sa punition. Nous avions eu de la chance, en pillant une tombe pour prendre quelques pièces d’or à un mort, nous avions trouvé l’Encrier d’Essipe. Il était facilement reconnaissable à la plume d’auris nécessaire pour écrire. Cet Encrier est un objet maudit de catégorie huit. Classé pour sa dangerosité. Il suffit d’écrire le nom de quelqu’un sur quelque chose pour tout savoir sur elle. En écrivant à côté, il est possible d’influencer la vie de la personne. Par exemple, écrire Asgaroth - Riche me fera gagner énormément d’argent. Cela marche aussi pour les pays et les royaumes. Tout est réalisable avec cet Encrier. Mais le prix à payer pour s’en servir est très dissuasif. Pour reprendre mon exemple, tout l’argent, l’or, le platine détenu par ceux que je connais m’appartiendra. Cela va même plus loin. La moindre pièce de cuivre qu’ils gagneront finira dans ma bourse.
Nous prîmes le risque de nous en servir pour suivre Rükhaas. Ce fut Fa’læta qui écrivit. Rükhaas, tout d’abord. Nous sûmes toute la vie du démon mais il n’y avait rien sur sa transformation. Les passages de ses punitions étaient également brouillées. Fa’ rajouta Suivre à côté de Rükhaas. Elle se fondit dans le corps du démon sans possibilité d’en sortir. Heureusement que je pouvais voir le mana, c’était le seul moyen pour communiquer avec la fée.
Rükhaas était parti comme tous les matins derrière l’orphelinat. Il poussa une pierre et entra dans un couloir éclairé. Griss l’attendait. Les deux démons descendirent un escalier en colimaçon. Il débouchèrent dans une pièce sombre, elle contenait plusieurs tables, des chaudrons, des potions, divers bocaux, des livres. Le tout dans un grand capharnaüm. Rükhaas s’assit sur une table. Griss s’approcha d’un chaudron, remua la mixture avec une louche, gouta du bout des lèvres, ajouta quelque chose, regouta, remua encore. Ce manège dura une dizaine de minutes.
- C’est prêt, dit-il enfin.
J’ordonnai à Fa’ de couper tous les liens qui la retenait à son hôte. J’avais compris ce qu’il se tramait. Tout était expliqué dans le Journal du Jour. J’avais avancé dans son déchiffrement. Il était très complet dans tous les domaines. J’avais reconnu un sort d’amplification générale. Je savais ce qu’il y avait dans le chaudron, une mixture servant à rendre plus fort, entrainant des transformations et une dépendance très forte. Rükhaas ne pouvait plus s’en passer. Le bazar de la pièce était également étudié, les ouvrages éparpillés un peu partout était savamment placés, ouvert sur les bonnes pages. Elles servaient de canalisateurs et de contrôle de l’amplification. Les tables aussi avaient une fonction spécifique. Rükhaas ne s’était pas assis n’importe où.

J’étais dans notre repaire, avec Obsédianne et Zû. C’était sa dernière année. Nous attendîmes le retour de Fa’. La fée serait rapidement libérée.
- Pourquoi sommes-nous réunis ? demanda Obsédianne.
- Rükhaas viendra ? voulut savoir Zû. Avons-nous une nouvelle mission ?
- Rükhaas ne viendra pas, répondis-je. J’ai des révélations à vous faire à son sujet.
Fa’ se matérialisa parmi nous. Elle prit, pour la première fois, sa véritable apparence. Celle d’une fée. Elle avait de longs cheveux dorées, des oreilles pointues, des yeux en amande et des ailes d’une grande finesse dans le dos. Elle mesurait un mètre soixante environ. Elle était nue, enveloppée d’un fin voile de mana. Les fées sont des êtres issues de mana, je comprenais maintenant pourquoi. Fa’ ne faisait qu’un avec mana. Elle renouvelait mana sans cesse.
- Rükhaas subit un sort d’amplification générale, annonçais-je.
Obsédianne et Zû me regardèrent sans comprendre.
- C’est un sort qui vise à améliorer les capacités physiques, intellectuelles et magiques, expliquais-je. Le problème de ce sort est la transformation. Rükhaas subit des mutations. Il les contrôle pour le moment mais cela ne durera pas. Je suis d’ailleurs étonné qu’il résiste depuis si longtemps.
- Si c’est pour rendre meilleur je ne vois pas où est le problème, dit Zû.
- Les effets ne sont que temporaires, dis-je. Et ils entrainent une dépendance très forte.
- Que veux-tu dire ? demanda Obsédianne.
- Rükhaas est perdu. Son addiction pour l’amplification va lui faire perdre sa personnalité. Il va peu à peu devenir le monstre que vous connaissez. Et là, il ne sera plus notre ami.
Un grand silence s’abattit. C’était dur à entendre pourtant c’était la vérité. Plus rien de pouvait sauver notre ami.
- Quand perdra-t-il son contrôle ? demanda Zû.
- Je ne sais pas.

Rükhaas avait bien résisté. D’ailleurs, il résistait toujours mais il avait ponctuellement perdu le contrôle en ce jour du 28 Pluton 1778.
Les deux démons se relevèrent au milieu des décombres. Avant que quiconque ne réagisse, Doxian arriva. Furieux, il lança un éclair sur Griss. Le sort perdit rapidement de son efficacité pour devenir une simple étincelle de lumière.
- Griss ! tonna Doxian. Maudit sois-tu !
- Ne t’énerves pas, dit Griss.
- Je m’énerve si je veux ! Je sais très bien ce que tu as fait.
Doxian dessina une rune dans l’air. Une onde de choc se propagea dans toutes les directions sans faiblir. Griss la reçut de plein fouet. Il se releva avec peine. Doxian était déjà sur lui et lui décocha un coup de bâton sur la tempe.
- Quant à toi, fit Doxian en se tournant vers Rükhaas, tu n’es qu’un imbécile. Tu as une heure pour quitter ce pays.
Rükhaas ne se le fit pas dire deux fois et partit en courant. Un peu maladroitement au début, le temps qu’il récupère du choc.

19 octobre 2012

Une forêt elfique

Ce fut Fagolise qui créa un portail pour nous emmener de l’autre côté de la Chaine. Elle avait admirablement bien visé. Nous atterrîmes au milieu d’un campement de trolls. La surprise passée, les géants des montagnes nous attaquèrent. Avec Jobert, nous créâmes un bouclier protecteur. Puis le directeur lança un rayon paralysant sur le troll le plus proche. Malheureusement, il y avait un sorcier parmi eux. Il brisa sans peine notre bouclier et asséna un grand coup de massue au milieu du groupe. Personne ne fut blessé. Je vis Fagolise, Hylda et deux autres démons en dernière année tenter de manipuler un troll. Les deux premières réussirent mais le sorcier les libéra avant qu’ils n’attaquent leur semblable.
- Il faut se concentrer sur celui-là ! cria Fagolise.
Elle désignait le sorcier.
- Et que crois-tu que j’essaye de faire ! répondit le directeur exaspéré.
Rükhaas vint près de moi.
- Ébloui tout le monde avec ton bâton. Je me charge du reste.
Il allait encore se transformer. J’obéis. Le Journal du Jour m’avait apporté une excellente connaissance des sorts de Lumen. Une lumière éblouissante sortit du sol, obligeant tout le monde, même-moi, à se protéger les yeux. Mais le troll sorcier avait anticipé. Il s’était créé un voile d’ombre pour filtrer le surplus de lumière. Avec ma vision du mana, je ne perdis pas une miette de la suite. Le troll abattit sa massue sur Rükhaas. Mais le démon s’était transformé. Il avait bloqué l’arme avec ses mains. Ses pieds s’étaient enfoncés dans le sol sous l’impact. Rükhaas brisa la masse en deux. Il était devenu presque aussi grand que son adversaire. Il lui asséna un coup de poing en plein ventre. Le troll se courba et recula. Il dessina une rune dans l’air sensé le protéger. Rükhaas la balaya de la main. Puis, d’un autre coup de poing, il brisa la poitrine du troll et lui arracha le cœur. Il s’écroula sur le sol. Rükhaas reprit son apparence.
Nos yeux se réhabituèrent à la lumière normale. Le sorcier était mort mais il restait toujours les autres trolls. Je fis jaillir un pentacle de mon bâton pour les immobiliser. Fagolise croisa ses poignets. Son bracelet s’illumina et un troll connu un vieillissement accéléré. Hylda lança trois fléchettes à l’aide de sa sarbacane. Les trois trolls touchés tombèrent. Mort.
- Un poison de ma composition, dit-elle. Très efficace sur toutes les créatures vivantes.
Le dernier troll fut vaincu par les grands. Chacun avait sorti son arme et chacun avait frappé le monstre.

Nous nous reposions dans le campement troll. Hylda observait la blessure du sorcier et donnait un cours d’anatomie à ceux rassemblés autour. Elle s’y connaissait autant en botanique qu’en biologie.
- Je ne te félicite pas Fagolise, reprocha le directeur. Par ta faute nous avons failli mourir.
- C’est rare de croiser des trolls par ici, se défendit-elle.
- Je pensais que tu allais nous faire venir au milieu de la forêt, pas très loin de la cours d’Estaz, continua le directeur toujours sur le même ton.
- Pour nous faire tuer ! s’exclama Fagolise. Cette forêt est protégée par des sorts anciens et très puissants. Elle avertit les elfes de toute intrusion. En cas de guerre, un signal de l’autre côte de la Chaine fait intervenir les fées.
- Pourquoi des fées ? s’étonna le directeur. Tout le monde sait qu’elles sont pacifistes.
- De toutes les créatures intelligentes, la fée est la plus évoluée, souffla Fagolise en se rapprochant du directeur. Il vaut mieux les avoir pour alliées que comme ennemies.
- Tu sous-entends que ces petites créatures sont supérieurs aux démons ?
Fagolise hocha la tête. Elle ne rajouta rien et invita le directeur à arrêter la conversation. Hylda revenait vers eux.
- Je ne sais pas ce qui a tué le sorcier, dit-elle. Il a eu le cœur arraché. Un spectacle pas beau à voir.
- Qui a bien pu faire ça ? demanda Fagolise.
Je me tournai vers Rükhaas. Obsédianne et Zû aussi. J’étais le seul à vraiment savoir, mes amis n’avaient que des soupçons.
- Bon allons nous présenter, dit Hylda en se levant. Je ne tiens pas à m’éterniser ici.
Nous nous levâmes rapidement et nous éloignèrent du carnage. Arrivé à la lisière de la forêt, la botaniste traça une rune dans l’air. Non. Pas dans l’air. Sur une barrière magique entourant la forêt. Elle dessinait notre permission d’entrer.

- Observez bien les arbres, s’enthousiasma Hylda. Regardez comme ils sont beaux. Les elfes savent soigner la nature. Ce sont des experts.
Personnellement, je ne voyais pas de différences avec la forêt féérique. Les arbres étaient identiques d’un côté comme de l’autre de la Chaine. Quelque fois j’apercevais une espèce que je ne connaissais pas. Hylda nous donnait des renseignements dessus. Au bout d’une heure, je me rendis compte qu’il manquait quelque chose. Les arbres étaient propres, leur écorce était parfaite. Il n’y avait ni champignons, ni insectes pour l’abimer.
- Ils sont d’une propreté, s’extasia une démone.
- Je n’ai jamais vu d’arbres aussi propre, enchérit le démon qui marchait avec elle.
- Arrêtez-vous ! ordonna Hylda. Regardez.
Devant, il y avait un elfe qui prenait soin d’un arbre. Il avait les deux mains posées sur le tronc. Il chantait. Un sort curatif. L’arbre répondait à son chant. Le mana des deux êtres ne fit plus qu’un, il remonta tout en haut de l’arbre, s’introduisant dans toutes les feuilles puis il redescendit et se scinda en deux. L’elfe s’éloigna. Il se tourna dans notre direction, nous fit un signe de la main et disparut. Il se déplaçait avec une dextérité exemplaire. Je ne l’avais même pas entendu. Comparé à nous qui marchions en écrasant les feuilles, branches et racines sur le sol. Soudain, je sus que nous étions observé. Les elfes s’assuraient que nous n’abimions rien.
Une autre différence avec la forêt féérique était l’ambiance. Ici, nous étions dans une forêt impeccable, chaque espèce vivait en harmonie avec son environnement. Un paradis végétal. Tandis que de l’autre côté de la Chaine, l’atmosphère était saturée de mana. Les végétaux avaient dû s’adapter pour survivre. La présence des fées les rendaient beaucoup plus sensible au mana.

Nous arrivâmes dans une clairière avec un immense saule en son centre. Le tronc était si épais que nous ne pouvions en faire le tour en nous tenant les mains. Le feuillage épais cachait la cour d’Estaz. Les elfes vivaient ici. Quelqu’un descendit à notre rencontre.
- Les démons de l’orphelinat des Damnés, je suppose ? demanda l’elfe.
Il était grand et élancé, le profil typique des elfes. Il avait de long cheveux blonds qui pendaient librement dans son dos. Ses oreilles pointus bougeaient dans tous les sens. Il était vêtu d’une tunique verte, assortie à son environnement. Un arc était en bandoulière dans son dos.
- Je m’appelle Qestaz, deuxième fils du seigneur Estaz. Je vais vous faire visiter notre humble royaume.
- Je croyais que la cour d’Estaz était un pays appartenant à la famille royale, ne put s’empêcher de dire le directeur.
L’elfe, il nous tournait le dos, s’était raidi. Je n’étais pas le seul à l’avoir vu. Certains se préparèrent à combattre mais des flèches apparurent entre les branches du saule. Un seul geste et nous étions tous morts. Qestaz se retourna, un sourire aux lèvres.
- Nous appartenons effectivement au royaume mais cela ne nous empêche pas d’être indépendant. Suivez-moi !
Les arcs avaient disparu mais nous étions toujours étroitement surveillé.
Nous montâmes dans l’arbre par une nacelle. Elle était assez spacieuse pour tous nous accueillir. Les elfes avaient aménagés tout cet arbre pour y vivre. Seul des feuilles tressées offraient un peu d’intimité. Je n’écoutais pas ce que racontais notre guide. J’observais plutôt la vie des elfes tout en cherchant la Harpe des Vents du regard. Nous passâmes devant une salle de musique. Elle était pleine. Les elfes jouaient un air merveilleux. Je restai en arrière le temps d’écouter. Il y avait plusieurs harpe mais aucune n’était celle recherchée.
Quand le morceau fut fini, je rejoignis le groupe. Je n’étais pas le seul à mettre arrêter. Fagolise, Obsédianne et trois autres démons, un petit et deux grands, avaient écouté. La musique elfique est la plus belle de toutes.
Le seigneur de l’arbre vivait au sommet. Estaz était assis à même le sol. Il jouait avec une petite elfe. Il se leva quand il nous vit. Il avait de longs cheveux blancs, une longue barbe blanche, il s’appuyait sur un bâton pour marcher. Il n’avait rien de magique.
- Bienvenu chez moi, dit-il.
- Merci de nous accueillir, répondit le directeur.
Nous saluâmes tous le suzerain un part un. Soudain, une mélodie parvenant de derrière lui nous plongea dans une douce euphorie. La fatigue me quitta, la faim aussi. Je n’avais plus qu’une seule envie, continuer à écouter ses merveilleuses notes. Quelqu’un me secoua.
- Asgaroth ! dit Obsédianne. Reprends-toi !
La musique s’était arrêtée. Je me ressaisis.
- Que s’est-t-il passé ? demandai-je.
- Tu as été envouté par la musique, répondit Obsédianne.
La musique ! La Harpe des Vents. J’en étais sûr. Je tirais Obsédianne tout près de moi pour lui annoncer que l’instrument se trouvait tout près, quelque part derrière Estaz. La démone fit un signe, Rükhaas et Zû se déplacèrent pour s’approcher près du rideau végétal.
- Je vais vous présentez ma fille ainée, dit soudain Estaz.
Il claqua des mains. Le rideau du fond se baissa. Une elfe se tenait derrière, ses doigts effleurant une harpe. Elle ne produisait aucun son pour le moment, elle ne pinçait pas assez fort. Elle avait les cheveux de la même couleur que le soleil, des yeux bleus dans lesquels n’importe qui aimait se noyer. D’ailleurs, les plus grands et le directeur étaient tombés sous son charme.
- Séléna, présenta le suzerain. Ma fille adorée.
La jeune elfe nous salua d’un signe de tête et repartit dans son univers musical. J’avais sorti Penbama, je vis apparaitre un pentacle sur le sol et je l’activais immédiatement. Tous ceux qui étaient dans le cercle se retrouvaient endormis. Je me précipitais sur la Harpe des Vents pour la mettre dans un portail de rangement. Une fois fait, je fis perdre la mémoire des dernières heures à tous les elfes. La princesse ne garda aucun souvenir de la Harpe des Vents. Elle ne savait même pas qu’elle avait possédé cet instrument. Globalement, les elfes de la cour d’Estaz étaient nuls en magie. Heureusement pour moi.

Notre retour à l’orphelinat se passa bien. La visite avait été appréciée par tous et nous devions rendre un rapport sur les différences entre les forêts elfiques et féériques dans deux décades.
Rükhaas se chargea d’envoyer la Harpe des Vents. Nous reçûmes vingt pièces d’or en récompense.

16 octobre 2012

Préparatifs

La Harpe des Vents.
Objet Bénéfique de catégorie 10.
Définition : instrument en bois de chêne noir. Il fut fabriqué à partir d’un arbre maudit. Oui on peut maudire un arbre. Les cordes étaient d’une finesse et d’une résistance à toute épreuve. Selon la légende, ce sont des cheveux appartenant à Säelitiÿ, la guérisseuse légendaire.Tous ceux qui entendent le son de cet instrument sont plongés dans une douce euphorie qui soigne les blessures. Cependant, l’écouter trop longtemps est néfaste pour la santé. Les cellules rajeunissent jusqu’à redevenir un bouillon indifférencié.

- C’est un instrument génial ! s’exclama Obsédianne. On peut tout faire avec.
- Il y a un tout de même un danger, commenta Zû.
De mon côté, passionné par les légendes, j’avais recherché des informations sur Säelitiÿ. Elle avait vécu pendant la troisième période du troisième éon. Je vous expliquerai un jour comment le temps est compté chez nous.
Säelitiÿ était née le 40 Mana 2802, pendant que les quatre lunes étaient pleines. Une nuit de Mana. Très tôt, elle montra des aptitudes à la magie. Elle devint rapidement meilleure que ses professeurs et obtint son titre d’archimage avant d’avoir cent ans. Princesse elfique aspirant à la paix, elle développa des sorts de soins d’une puissance incroyable. Son plus grand exploit avait été de soigner simultanément deux armées de quarante milles unités chacune. Elle avait ensuite enjoint les deux chefs à rentrer chez eux.
Son discours pacifiste n’était pas accepté partout. Les dirigeants du monde commencèrent à la craindre. Même au sein de son peuple elle ne faisait pas l’unanimité. Elle fut assassinée dans son bain, le 3 Lumen 3308. Elle avait cinq cents six ans.

- Un destin tragique, commenta Fa’læta.
- J’aime bien lire les légendes comme celles-là, dis-je. Des fois on découvre des choses.
- Certaines légendes sont dangereuses, commenta la fée. Fais attention.
Je ne compris pas son avertissement et je n’eus pas le temps d’approfondir.
- Voici le plan, dit Rükhaas. Nous demandons une sortie au directeur pour aller à la cour d’Estaz. C’est l’occasion de voir une forêt elfique et de la comparer à notre forêt féérique. Nous en profiterons pour subtiliser la Harpe.
- Comment la trouverons-nous ? demanda Obsédianne.
- C’est un gros instrument. Si elle est cachée magiquement, nous comptons sur Asgaroth.
Ou toi, pensais-je. Les yeux rouges de Rükhaas me faisait toujours aussi froid dans le dos. J’en frissonnais rien que d’y penser.
- Qui ira voir le directeur ? demandais-je.
- Pas moi, répondit aussitôt Rükhaas. Il faut que se soit quelqu’un qui n’est pas tout le temps puni.
- Parce que tu l’es encore ? le réprimanda Obsédianne.
- Bien sûr. J’ai un abonnement, plaisanta-t-il.
- Et pour quels motifs cette fois-ci ? voulut savoir Zû
- Euh... Ben... Comment dire... J’ai. Il s’arrêta, puis, semblant se rappeler qu’il était le chef il termina. Je n’ai pas à m’expliquer.
- Tu dois être le démon le plus puni de l’orphelinat, commenta Zû.
Le regard que lui lança Rükhaas l’incita à se taire et à effacer ce sourire idiot qu’il arborait. Les bêtises de notre chef était connu de tout l’orphelinat. Certains petits le vénéraient et il signait même des autographes.
- Ceux qui iront voir le directeur seront soit Asgaroth et son équipe de magiciens. Soit toi, Zû ! Tu es le plus âgé, tu devrais pouvoir vendre ça.
Rükhaas repartit sans nous saluer. Nous nous quittâmes sans rien dire.

J’étais avec Hestop, Eustache, Jobert et Azor dans le couloir menant au bureau du directeur.
- Répètes encore une fois, exigea Eustache. Je veux être sûr d’avoir tout compris.
- La cour d’Estaz est une forêt elfique située derrière la Chaine, dis-je. Si nous voulons y aller, c’est pour étudier les différences entre cette forêt et notre forêt féérique.
- Mais pourquoi veux-tu comparer ces deux forêts ? demanda Hestop.
- Je vous l’ai déjà expliqué, râlais-je. Les magies elfiques et féériques sont différentes. Leur influence sur la nature aussi. Étudier ces différences nous permettra d’en apprendre plus sur leur magie.
Mes amis n’avaient pas l’air très convaincu. Je les entrainais devant la porte du bureau du directeur en soupirant. Arrivé devant l’entrée, je vis Zû sortir du bureau en serrant la main d’Olex Zorti. En passant devant moi, il tendit le pouce et me fit un clin d’œil. Une lueur brilla furtivement près de sa corne la plus à gauche. Fa’læta.
- Que voulez-vous ? demanda le directeur en se tournant vers nous.
Il était d’humeur jovial.
- Nous... commença Azor.
Je mis ma main sur sa bouche.
- Rien, dis-je.
Puis je poussai mes compagnons vers la sortie. Le directeur nous suivait du regard sans comprendre.

L’annonce de notre sortie à la cour d’Estaz fut accueilli avec enthousiasme. En revanche, la rédaction sur les différences entre les deux forêts fut huées par tous. Mais tout l’orphelinat ne pouvait pas débarquer dans la cour du suzerain elfique de cette partie du monde. Seulement trente élèves, dix petits, dix moyens et dix grands. Plus trois professeurs pour nous accompagner, Fagolise Ii, elle n’était pas professeur mais tenait à venir, Hylda Fergusson, notre botaniste et Olex Zorti, le directeur. Trente-trois démons allaient investir la forêt elfique pour une vaste étude comparative.
Évidemment, les Démons d’Ébony faisaient partis du voyage. Zû avait admirablement bien négocié. Rükhaas avait déjà préparé son sac. Il s’était munis du Fléau aussi. Une simple précaution, disait-il. Fa’ n’approuvait pas cette décision et elle lui fit savoir mais le démon eut le dernier mot. De mon côté, j’avais pris tout ce qui pourrait m’être utile dans la forêt. Je voulais l’étudier aussi. J’avais également prévu des runes supplémentaires autour de mon portail de rangement. La Harpe des Vents iraient dedans.

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Asgaroth, ma vie, mon œuvre
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