Les missions

Cela fait longtemps que je ne vous ai pas parlé des missions. Ma guilde, les Démons d’Ébony, avait réalisé une campagne de publicité lors du tournoi. Nous eûmes plein de nouveaux travaux à exécuter. Tous consistaient à retrouver un objet perdu, notre spécialité. Les récompenses étaient en fonction de l’objet, environ une vingtaine de pièces d’argent. Une somme dérisoire. Comme nous ne pouvions pas sortir de l’orphelinat, c’est Fa’læta qui se chargeait d’aller chercher les objets. Rükhaas les envoyait ensuite au commanditaire.
Nous nous étions vite aperçu que ce n’était pas passionnant. La plupart des objets n’étaient même pas magique. Le plus « dangereux » avait été le Manteau d’Isiis. Un vêtement classé Objet Maudit catégorie 3 (OM3). Il déréglait le thermostat interne de son porteur, réchauffait quand il faisait chaud et refroidissait quand il faisait froid.
Le plus surprenant avait été la Lyre d’Argent. Un objet non-classé au pouvoir inconnu. Nous avions tous essayé d’en jouer pour voir ce qu’il se passait. Nous avions tous ressenti quelque chose d’étrange mais rien de bien net. Ma vision du mana ne m’apporta rien de plus.
Enfin ce n’était vraiment pas passionnant. Si nous pouvions sortir de l’orphelinat, peut-être que nous pourrions accomplir une quête, se faire un nom. Pour le moment, nous étions des ramasseurs d’objets.

L’ambiance dans le repaire devenait morose. Heureusement, j’avais réussi à négocier avec Rükhaas pour étudier en profondeur le Journal du Jour. Cela m’occupait. Surtout que je ne savais pas ce que je cherchais. Je l’avais lu dans tous les sens, de jour comme de nuit sans avoir avancé.
Au début, Obsédianne avait essayé de m’aider. Elle avait vite abandonné. Elle arrivait à peine à déchiffrer les runes. Zû et Rükhaas n’avait même pas essayé. Pourtant, la vision de Rükhaas pourrait être utile. C’était un pressentiment. Quant à Fa’, elle m’apportait sa vision féerique. Un bien précieux qui était insuffisant. Fa’ n’était pas une grande magicienne. J’étais meilleur qu’elle.
J’en avais pour plusieurs années pour comprendre le Journal du Jour. Si seulement je savais par où commencer.

Le but de Rükhaas, rassembler tous les objets divins, poursuivait son cours. Quand il avait appris que les Chroniques de Sophie étaient en libre accès, il avait effectué de nombreuses recherches pour les trouver. Il lui fallut trois jours pour s’apercevoir qu’elles se situaient sur l’Ile des Damnés. Un bout de terre perdu au milieu de l’océan. Les Chroniques étaient gardées par des prêtres de la déesse.
En cherchant, Rükhaas était tombé sur un objet ressemblant étrangement au Fléau, l’arme du Petit.
- Fa’, appela-t-il.
La fée s’approcha.
- Pourrais-tu te rendre à Nia’erg’Selion ?
- Pourquoi ?
- Dans la troisième galerie, continua Rükhaas, tu prendras le...
Il prit un autre livre.
- ...deuxième chemin sur ta gauche. Puis la galerie du haut. Tu arriveras dans une grande salle peut-être inondée.
Rükhaas changea à nouveau de livre.
- Longe la paroi de droite sur trente pas puis avance tout droit sans t’arrêter. C’est important, il ne faut pas s’arrêter. Ensuite, tu prends la deuxième galerie en partant de l’est. Tu avances et c’est...
Encore un changement de livre.
- ...la quatrième caverne sur la droite. Tu devras creuser un petit peu mais pas trop.
Fa’ avait tout enregistré. Elle avait une mémoire exceptionnelle. Elle était capable de réciter ses premiers cours d’alchimie qui remontaient à plusieurs décennies. Comme toutes les fées, Fa’ avait une durée de vie très longue. La plus longue de toutes les espèces. Paradoxalement, c’était un nain qui avait le record de longévité. Mille deux cents quarante-trois ans et trente-huit jours. Le doyen des espèces était une fée âgée de mille deux cents un ans. Le record nain tiendrait-il ?
- Qu’y a-t-il là-bas ? demanda-t-elle.
Rükhaas leva les yeux de son livre.
- Le Fléau, lâcha-t-il.

Fa’ était partie une décade. Elle était revenu avec un minuscule fléau. Une boule à pointe était reliée à une chaine. Fa’ tenait l’arme par le manche.
- C’est ça le Fléau ? s’étonna Zû.
Il commença à rire. Fa’ posa l’objet sur la table. Rükhaas le saisit. Aussitôt, le fléau grandit pour atteindre une taille plus imposante. Sa masse devint également plus importante. La boule s’enfonça dans le sol. Rükhaas ne put la soulever. Zû lui vint en aide, puis moi et Obsédianne. Rien n’y fit.
- Comme tout ce qu’a fait le Petit, annonça Fa’, le Fléau a une taille ridicule. En injectant son mana dedans, l’arme grandit, s’alourdit. Il faut trouver la bonne quantité pour s’en servir.
- Mais je l’ai juste saisi, protesta Rükhaas.
- C’est une arme vampire. Elle prend le mana. Il faut continuellement l’alimenter mais pas trop non plus. C’est une arme divine. Seul une élite sait s’en servir.
- Et comment le faisons-nous redevenir normal ? demanda Rükhaas sur un ton cassant.
- Comme ça.
Elle joignit le geste à la parole. Elle versa quelques gouttes de vif-argent sur le Fléau. Il retrouva sa taille ridicule instantanément. Fa’ alla le ranger.
Rükhaas partit s’assoir, l’air boudeur. Je retournai à ma lecture. Puis la BM s’illumina.
- Encore une mission pourrie, maugréa Rükhaas.
Sans enthousiasme, Zû ouvrit la lettre. Il la lut. Ses yeux s’agrandirent de surprise.
- Je crois que tu devrais lire, dit-il en la tendant à Rükhaas.
Celui-ci lui arracha la lettre des mains.
- Démons d’Ébony, lut-il à haute voix, j’ai une mission à vous confier. J’aimerais acquérir la Harpe des Vents, un instrument classé OB10. Il se situe quelque part dans la cour d’Estaz, suzerain du pays elfique. Je compte sur vous, la récompense sera à la hauteur de vos attentes.
Au fil de sa lecture, Rükhaas avait connu la même réaction que Zû.
- La Harpe des Vents, murmura-t-il. Obsédianne ! Recherches dans le ROM.
La démone s’exécuta. Notre chef était en effervescence. Le clan revivait. Enfin une mission digne de nous.