Le rapport

Tout le monde était revenu du grand exercice de survie, en plus ou moins bon état. Certains démons avaient été blessés et deux étaient toujours inconscients. Il restait une dizaine d’élèves à l’infirmerie dont l’état de santé était préoccupant. C’était tous des grands. Les autres n’avaient pas besoin de soin, soit ils restaient pour ce faire dispenser de rédiger un rapport, soit ils soutenaient leur ami alité.

Notre rapport était prêt. Nous passions aujourd’hui devant Gyr Thiober, le professeur de survie. Occir nous avait fait travailler très dur pour rendre un rapport cohérent. Nous allions voir si son travail porterait ses fruits.
Nous attendions dans le couloir que tout le monde arrive et que le professeur nous appelle. Occir avait été le premier arrivé. Il voulait interroger tout le monde pour vérifier que nous savions tous notre rôle. Holda était là aussi, elle parlait avec Zû. Sopale et Griffène était aussi en grande discussion. Ilrif dévorait Sopale des yeux, enfin surtout la rapière qu’elle portait à la hanche. C’était la seule élève autorisée à porter une arme. Elle préparait un tournoi. J’étais arrivé en même temps qu’Obsédianne. Ilrif nous avait regardé avec un regard moqueur. Je le foudroyais des yeux. Je venais de finir mon entretien avec Occir. Je connaissais mon texte. Tout irait bien.
Il ne manquait plus que Rükhaas et Toripure. Le premier était connu pour être toujours en retard et le second ne semblait pas motivé. Avec Obsédianne et Zû nous prîmes le pari sur le dernier arrivé. Nous misâmes sur notre chef. Sopale et Griffène sur Toripure. Ilrif sur Rükhaas.Même Holda joua en misant sur Rükhaas. Occir était trop concentré pour parier avec nous. C’était devenu une vraie boule de nerf.
Nous fûmes tous déçu quand nous les virent arriver ensemble. Occir ne leur laissa pas le temps de discuter, il les prit à part pour les interroger. Rükhaas fit tomber un papier que je m’empressai de ramasser.
« La Flute du Joueur est en la possession du roi d’Océane. Elle est entière. »

Je fis lire le papier à Zû et Obsédianne. Dommage. Cette flute était la plus simple à récupérer. Il n’en restait plus que deux. La première était un objet maudit de catégorie 8 et l’existence de la seconde faisait débat.
Nous n’eûmes pas le temps d’en débattre, le professeur Thiober nous invita à entrer.

Les bureaux de la salle de classe avait été poussés vers le fond pour faire une lus grande scène devant le tableau. Seul trois bureaux restaient à leur place, chacun occupé par un professeur. Thiober s’assit à celui du milieu. Le directeur était installé à sa droite et le sorcier Doxian à sa gauche. Un jury de choix, pensai-je.
Occir tendit le rapport au professeur de survie qui le tendit à Doxian. Il en fit deux copies. Chacun parcourut le rapport des yeux.
- Intéressant, dit Gyr. Comment s’est passé cette première nuit à l’oasis ?
- L’oasis était une étape cruciale pour la réussite de notre mission, répondit Occir. En effet, les crache-sang vivent loin de tout point d’eau. Il nous fallait des réserves pour survivre.
- Comment vous êtes-vous repérer ? demanda le sorcier.
- Grâce à Asgaroth, répondit Occir en souriant. C’est un magicien.
Le regard inquisiteur de Doxian se posa sur moi. Je ne savais pas quoi faire. Je reçut un coup de coude et Holda me souffla de répondre.
- Avec mon mana, je pouvais voir les cours d’eau souterrain, dis-je timidement. J’avais repéré l’oasis depuis très longtemps. Occir m’avait demandé de trouver une grande nappe d’eau.
- Était-ce la plus grande ? demanda Doxian.
- Non, répondis-je. Mais c’était la plus proche.
Le sorcier hocha la tête. Ils continuèrent à lire en nous posant des questions. À chacune de nos réponses, ils écrivaient des commentaires.
- Comment avez-vous trouver le crache-sang ? demanda le professeur Thiober.
- Par hasard, répondit Ilrif un peu trop vite.
Cette remarque lui valut un coup de coude discret de la part de Sopale. Ilrif grimaça. La démone savait taper dans les points sensibles.
- Nous avons marché vers l’ouest, reprit Griffène. Il n’y avait aucun cours d’eau dans cette direction. La chaleur était horrible, l’air ondulait, créant des illusions. Mais quand j’aperçus le crache-sang je n’eus aucun doute.
- Nous partîmes à sa poursuite, continua Holda, mais la nuit tombante ralentissait nos recherches.
- Nous allions abandonner quand je marchais dessus, termina Toripure. L’animal bondit et Ilrif lui sauta dessus.
Gyr Thiober semblait déçu. La meilleure façon de capturer un crache-sang était de lui tendre un piège, nous avait expliqué Griffène. Avec un magicien dans nos rangs, nous aurions dû absorber toute l’humidité d’une zone et la disposer en cercle serré autour du crache-sang quand celui-ci se montrerait. Nous avions voulu rédiger de cette façon mais le récit manquait de cohérence. Mieux valait privilégier la réalité. Sans toutefois tout dire.
- Intéressant, dit le sorcier. Vous avez affronté une salamandre.
Le directeur tourna les pages pour tomber sur ce passage.
- C’est impossible, dit-il. Les salamandres sont des monstres apparentés aux dragons. Jamais des enfants n’auraient pu survivre.
- Les dragons sont beaucoup plus dangereux, dit Doxian. Laissons-les nous raconter comment cela est arrivé.
Nous nous exécutâmes en omettant quelques détails. Comme nous ne devions pas nous séparer, la bataille fut raccourci. Nos armes magiques eurent un rôle important. Mon puissant sort d’Amour fut occulté. Je ne savais pas comment je l’avais fait. Ma bague y était pour quelque chose mais je n’avais pas envie qu’on me l’enlève pour l’examiner. En plus, les questions comme sur où et comment j’avais trouvé un tel objet ne regardait personne.
- Très bien ! dit Doxian.
- Avez-vous quelque chose à rajouter ? nous demanda Gyr.
Nous secouâmes la tête. Le professeur posa la même question à ses collègues. Même réponse.
- Vous êtes libre, dit Gyr. Vous aurez votre note quand nous aurons entendu tout le monde.

Une décade plus tard, une liste était accroché dans le hall de l’orphelinat. C’était le classement des notes de notre mission de survie. Mon groupe était sixième avec un total de dix-huit et demi sur vingt.