Repérage

- Asgaroth tu as déjà été dans la réserve, dit Rükhaas. Y a-t-il des livres interdits là-bas ?
- Peut-être, répondis-je. Rien n’est rangé. Il m’est impossible de le savoir.
- Les livres interdits doivent être protégés, s’entêta Obsédianne.
Depuis le début elle nous martelait cette phrase.
- As-tu senti des livres magiques ? me demanda Rükhaas en ignorant la démone.
- Oui. Mais ce ne sont pas des livres interdits. Ils sont à la portée de tout le monde.
Rükhaas se mit à réfléchir. Nous avions dessiné un plan de la bibliothèque. Grâce à mes facultés magiques, nous connaissions précisément sa taille. La pièce centrale était ronde, elle contenait de nombreuses tables de travail et des rayons avec des milliers du livre. Le plafond était ouvert sur deux étages, permettant de surveiller les jeunes démons. Des étagères en faisaient tout le tour. Les livres interdits n’étaient pas rangés là.
La bibliothèque était divisée en plusieurs sections au rez-de-chaussé, dont certaines n’étaient ouvertes qu’exceptionnellement aux étudiants. C’était l’un des endroits suspects avec la réserve. Le dernier endroit susceptible de contenir les livres interdits était derrière le comptoir du bibliothécaire. Ces ouvrages ne quittaient jamais leur place et seul le bibliothécaire les ouvraient. Il lisait les passages à ceux qui le demandaient, après un interrogatoire très poussé sur la consultation de ces livres. Pour Obsédianne, les livres interdits ne pouvaient qu’être là. Cependant, je ne ressentais aucune magie en cet endroit. Puis ces livres étaient à la vue de tous.
- Un livre interdit n’est pas forcément magique, dit la jeune démone. Cela peut très bien être un traité sur l’histoire ou sur une espèce animale.
- Ces livres n’intéresseront jamais nos commanditaires, dit Rükhaas en m’appuyant un regard.
Je confirmai sa pensée d’un hochement de tête.
- Le meilleur moyen de savoir où sont rangés ces fameux livres est d’aller à la bibliothèque, reprit Rükhaas. Qui se dévoue ?
- J’irai, dis-je. Le bibliothécaire me connait. Il ne se méfiera pas.

- Bonjour, dis-je en entrant dans la bibliothèque.
- Bonjour Asgaroth, répondit le bibliothécaire avec un sourire. As-tu encore des ennuis avec ta BM ?
- Non. Elle marche très bien. Et c’est grâce à vous.
- Allons, c’est toi qui l’a créé. Qu’es-tu venu chercher ?
J’avais anticipé cette demande.
- Je voudrai des informations sur le cycle de mana.
- Vaste sujet, dit le bibliothécaire après un temps d’attente.
Je sentais que je flirtais avec l’interdit. Mais je devais aller plus loin sans éveiller de soupçons. Je voulais toujours être le bienvenu ici.
- Nous allons vivre un évènement exceptionnel et je voudrais approfondir le sujet.
Le bibliothécaire réfléchissait. Son regard scrutateur me mettait mal à l’aise.
- Je ne sais pas pourquoi mais je sens que tu veux consulter des livres qui ne sont pas pour toi.
Je ne bougeai plus. Je n’osai rien dire de peur de me trahir.
- Quoi qu’il en soit, ses ouvrages ne sont plus ici. L’archimage Mojerhate les a tous pris.
J’étais à la fois déçu et soulagé. Malheureusement, le bibliothécaire le vit sur mon visage.
- Regarde-moi Asgaroth !
Je levai les yeux. Il était sérieux et, avec le recul, j’aurai du écouter son avertissement.
- Oublie ces livres. Ils ne devraient même pas exister.
- Pourquoi ? ne pus-je m’empêcher de demander.
Le regard noir qu’il me lança me paralysa.
- Je suis le gardien de ces livres.
Il ne dit plus rien. J’allais partir quand je remarquai un badge avec son nom. Archibald Mendoza.

Je rejoignis mes compagnons dans notre repaire. Je leur racontai tout.
- Donc, conclut Rükhaas, c’est Mojerhate qui possède nos livres.
J’acquiesçai.
- C’est foutu, dit Obsédianne. Nous n’arriverons jamais à prendre ces livres. On devrait abandonner la mission.
- C’est hors de question ! tonna Rükhaas. Les Démons d’Ébony n’abandonne pas.
- Alors que comptes-tu faire ? se défendit Obsédianne sur le même ton.
Rükhaas fixait la BM. Elle était vide mais son idée était évidente. Il songeait à demander de l’aide aux elfes Xarte. Mais nous leur étions déjà redevable pour le guide d’Ulfang. Il ne fallait pas abuser de notre alliance.
- Il nous faut une diversion, dis-je.
Le regard de Rükhaas se mit à briller.
- Pas de souci, dit-il avec un grand sourire.
Nous nous quittâmes sur ces mots. Je n’aimais pas l’idée de Rükhaas. Encore un coup à s’attirer des ennuis. Obsédianne ne me parla pas. Elle n’était pas contente. Cette mission était trop dangereuse pour notre jeune guilde.

Ce fut une fois couché dans mon lit que je le réalisais. Archibald Mendoza. Je connaissais ce nom. Mais où l’avais-je vu ?